Le vert vaudois Luc Recordon sest fendu de propos plutôt véhéments à légard de Philippe Roch, ancien secrétaire dEtat à lenvironnement, suite à la parution de son livre critique consacré à léolien industriel (« Eoliennes : les écologistes ségarent », Le Matin du 26 avril 2011). Luc Recordon, de formation scientifique, au même titre dailleurs que Philippe Roch, estime que ce dernier «ne sait pas calculer». Philippe Roch utiliserait pour base de calcul des éoliennes « vieillottes » dune puissance nominale de 2 MW, et des facteurs de charge sous-évalués car inférieurs à 2000 pleine charge heures par an.
La puissance nominale des turbines
Les turbines de 2 MW prévues ou déjà construites en Suisse nont rien de «vieillottes». Elles ont été installées ces dernières années et le seront sur dautres sites dont les PA sont déposés. Toutes ces machines appartiennent à la classe des 2 MW: Saint-Brais (deux turbines de 2 MW), Sainte-Croix (7 turbines entre 1,8 MW et 2,3 MW); Peuchapattes (3 turbines de 2,3 MW) et Mont-Crosin (8 nouvelles machines de 2 MW mises en fonction lan dernier).
Les éoliennes de 7,5 MW évoquées par Luc Recordon ne sont donc pas plus «modernes», comme il le dit, mais simplement dune autre classe et adaptées à dautres terrains. Il existe effectivement un tel engin dans le catalogue du fabricant allemand Enercon: la E 126/7500, ainsi que dautres modèles analogues (de 6 et 7 MW). Une dizaine de ces très grosses turbines fonctionnent déjà en Europe, en Basse Saxe, en Sachsen Anhalt et dans les plaines belges.
Un coup dil sur les chantiers permet de comprendre quau vu des dimensions des composants de lengin et de la grue spéciale pour les monter, il est préférable de disposer dune sortie dautoroute à proximité ainsi que dun terrain peu accidenté. Des limites évidentes, liées à la topographie existent et restreignent considérablement linstallation à grande échelle de telles turbines en Suisse.
Le nombre dheures annuel de fonctionnement pleine charge
Les dernières données relevées sur le site de Saint-Brais, après une année de fonctionnement, indiquent que les turbines ont produit 1'531 heures à pleine puissance. Pour linstant en Suisse, seules les deux éoliennes du Valais, situées dans le couloir à vent régulier du Rhône, ont produit au-delà de 2000 heures, et ceci depuis plusieurs années. Une exception que na dailleurs pas manqué de signaler signalée par Philippe Roch.
Très peu de sites en Suisse offrent des conditions aussi propices (2000 heures p.c. ou plus) et lorsque cest le cas, surviennent dautres problèmes. Les deux secteurs les plus favorables en termes de vent sont en effet des massifs montagneux (Mont-Tendre et Jungfrau), dont laccès, la topographie et les conditions climatiques sont très différentes des grandes plaines allemandes et belges.
Enfin, lorsquil sagit dinstaller 600, 1000 machines, voire plus, un seul «bon site» ne suffit pas. Il faut pouvoir disposer de plusieurs dizaines de sites fortement ventés et facilement accessibles. Cest en tenant compte de lensemble de ces éléments que peuvent se faire des projections de production délectricité un tant soit peu réalistes.
Le verdict
Philippe Roch base ses calculs sur ce qui se passe actuellement, concrètement, sur le terrain, en Suisse: modèles de machines prévus et construits récemment ; données concernant la production des dernières années sur des sites existants ; production annoncée à swissgrid rapportée au nombre de machines prévues, etc.. Les résultats obtenus ne sont peut-être pas éblouissants, mais ils nen sont pas moins justes.
Luc Recordon calcule correctement lui aussi, mais sur le papier. Un catalogue Enercon et la généralisation à la Suisse entière dune exception (Rhône Eole) ne permettent aucunement des projections de production fiables.
Dommage que le dossier éolien soit pris avec si peu de sérieux par des acteurs politiques majeurs à lheure où la Suisse se pose différemment la question de son avenir énergétique.
Pour la Fédération Pro Crêtes
Félix Gueissaz, Président